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Lean management en couleurs : Entretien avec Helene Marmelo

Lean management en couleurs : Entretien avec Helene Marmelo

Lean RPA, quand les services en redemandent : Interview de Hélène MARMELO,

  • Responsable Organisation et Processus (CA Titres),
  • Servir l’amélioration continue du point de vue humain, technologique ou sociétal
  • Hélène capitalise une expérience de plus de 25 ans dans la conduite de projet informatique (Lean RPA), l’optimisation des organisations, l’accompagnement au changement et la formation.
  • Elle est Black Belt Lean Management.

 

Comment avez-vous connu le Lean Management ?

 

J’ai suivi une formation sur le management des hommes, un diplôme du 3ème cycle, dans la conduite de projet. Avant mon expérience chez CA Titres, j’avais donc déjà pas mal travaillé sur le facteur humain. J’ai commencé à regarder les formations de type Ishikawa, matrice de faisabilité et je me suis dit c’était ce qu’il nous fallait.

Comment acculturer une entreprise au Lean ?

 

Pour acculturer CA Titres au Lean, il a fallu embarquer les équipes et le Direction.

À mon arrivée chez CA Titres, mon équipe et moi-même avons été formées Yellow Belt. Puis nous y sommes allés petit pas à petit pas, sans brûler les étapes. Le changement ne se fait pas en claquant des doigts, ce n’est pas une disruption. Cela s’accompagne, cela s’instruit. Il n’y a rien de mieux que le bouche à oreille.

Prenons l’exemple du déploiement du Management Visuel[1] avec les indicateurs de performance opérationnel au quotidien. Dire que l’on peut essayer d’acculturer si les gens ne sont pas matures, c’est trop tôt ; il faut savoir persévérer car à un moment cela prendra. Certains managers m’ont demandé : « Pourquoi avons-nous abandonné les KPI[2] ». Or la méthode pour la méthode, je m’en fiche royalement. La méthode vient uniquement faciliter ce que l’on a sur le terrain.

 

Parlez-nous de vos succès dans le Lean RPA

 

Le Lean RPA[3] consiste à optimiser les processus avec la méthode Agile[4] . Chez CA Titres, nous avons développé à aujourd’hui 30 robots, nous permettant un gain ETP[5] de 27 personnes. Sans compter le bien-être de l’utilisateur (mesuré à travers des sondages), la fiabilisation de nos processus et l’amélioration de nos indicateurs de performance. Sans compter les gains financiers : 1 million d’investissement depuis le démarrage du Lean RPA pour un gain de 3 millions à date. Le seuil de rentabilité de ce projet a été atteint en deux ans. Maintenant nous savons exactement quel sera le délai pour atteindre notre seuil de rentabilité pour chaque nouveau robot lancé.

Sur les autres opportunités (hors amélioration des processus), le Lean RPA est plus difficile à implémenter, quand il s’agit d’organisationnel, nous travaillons plutôt les délais sur l’engagement de service. Dans d’autres domaines comme le règlementaire ou la qualité pure, les gains sont plus difficilement mesurables.

A chaque analyse du potentiel de lancement d’un nouveau robot, nous nous posons les questions suivantes : d’où partons-nous et où voulons-nous aller ? Comme par exemple des indicateurs de taux de décroché : À la fin de mon atelier, j’aimerais atteindre 90% de taux de décroché, aujourd’hui j’en suis à 80%.

Chez CA Titres, la Direction nous refuse d’animer quelque atelier que ce soit tant que nous n’annonçons pas d’où nous partons et les gains estimés (le mandat ou charte de projet). Nous utilisons également des grilles d’éligibilité, grâce aux ateliers « Regards croisés », qui permettent de sélectionner les opportunités d’amélioration.

Mon retour d’expérience est que si les fonctions support viennent au RPA, elles en redemandent d’autres. Désormais ce sont les métiers qui viennent directement pour analyser et valider s’ils sont éligibles ou pas à un projet de robotisation d’une partie de leur processus.

Nous réalisons de nombreux articles écrits, des sondages, et recueillons des témoignages sur le Lean RPA. Il fait désormais partie de notre quotidien. De plus il est toujours de bonne humeur et il tombe rarement malade ;-)

Comment le Lean Management vous a-t-il permis d’atteindre vos résultats ?

 

En ayant une approche Lean rapportée à l’opérationnel. Nous n’utilisons pas tous les outils, mais ceux que nous utilisons, nous les utilisons bien (HLPM, MUDA, SWOT, matrice de faisabilité, matrice Hoshin Kanri, …). Nous préférons avoir une longueur d’avance sur un outil plutôt que de multiplier les outils. Nous disposons également d’un espace communautaire, avec une assistance méthodologique interne, des kits d’information, de sensibilisation, ciblée sur les outils dont les équipes ont besoin. Ceux qui ont besoin d’apprendre, nous pouvons les accompagner à travers une formation. Ou la personne peut essayer toute seule.

La matrice de faisabilité : chaque fois que nous faisons des ateliers collaboratifs, nous identifions des opportunités dans une matrice faisabilité enjeu (les gains rapides, les idées phares, les dilemmes et les idées à abandonner dans un premier temps). Cette matrice fonctionne comme une matrice de décision : quand nous voyons du « luxe » (des solutions coûteuses à faible impact), nous nous posons la question de « pouvons-nous faire ? » par rapport à la valeur des opportunités que nous présentons.

Exemple : depuis que les ateliers « Regards croisés » ont été mis en place, un service choisit un de ses processus majeurs pour lesquels il souhaite minimiser les risques ou améliorer la performance. Puis nous réalisons une cartographie du processus HLPM avec les zones de rupture indiqués par les MUDA dessinés dans la cartographie. A quatre mains, l’équipe Orga et Processus et le métier. On ne les lâche jamais. Ils ont du mal à se mettre à la place du client. Ils voient uniquement où ça entre et où ça sort. Nous les accompagnons en mettant un client au bout. Nous travaillons sur la présentation du service et les KPI sur lesquels ont doit jouer pour améliorer le taux de service (degré d’autonomie à atteindre, sur une plateforme téléphonique par exemple).

Une fois les opportunités identifiées, nous avons un référentiel d’opportunités et nous allons voir le métier tous les mois (le métier est autonome). S’ils ont besoin d’accompagnement, un comité de reconfiguration des processus est proposé où les décisions sont prises, toujours sur la base « Où sont les gains, où est-ce que cela bloque ? ».

Nous faisons également un SWOT[6] avec eux. L’auditeur ISO a trouvé ça super et chaque service doit désormais décrire son SWOT.

Quels sont étaient les freins éventuels à la mise en place de la démarche du Lean au sein de votre société ?

 

Parfois, ça peut être si un atelier où si la mayonnaise n’a pas pris : cela peut refroidir la Direction. Cela nous permet par la même occasion de mettre en place un plan de progrès. Ex. un atelier sur l’assistance client : le responsable du service a choisi un processus alors que la Direction attendait que nous revoyions l’organisation du service (et notamment le temps de traitement). Le bon de commande de la Direction a été mal compris. A présent chaque responsable de service doit soumettre le processus à la Direction qui le valide ou pas.

Quel outil du Lean Management recommanderiez-vous à vos lecteurs ? 

J’utilise le HLPM, la version du SIPOC en plus détaillée[7]. Je suis également une grande adepte des outils d’idéation (ou brainstorming). Par exemple l’atelier « Les fleurs et les valises » (qu’est-ce qui est une bonne pratique à partager versus qu’est-ce qui est un irritant pour les équipes, à éliminer). Par exemple, lors du premier confinement en mars 2021, tous les manageurs ont été invités à écrire leurs post it sur trois choses positives, trois irritants et deux suggestions quand le CA Titres s’est retrouvé confiné. Deux personnes ont travaillé sur le suivi de ces ateliers « Ensemble … ».  Nous avons utilisé des trames de tableaux Excel identiques, sans changer la structure afin de consolider rapidement l’information. Tous les sujets traités (communication, Ressources Humaines, outils, logistique, une dizaine en tout) ont été remontés. Puis nous avons créé un support dans lequel nous avons mis tous les indicateurs et nous avons répondu dans tout ce que nous allions mettre en place. Par exemple un espace pour le déjeuner car la cantine était fermée, des outils de collaboration à distance, des Visio conférences pour les manageurs à distance, …  Pour réaliser ces ateliers, j’ai formé des animateurs et nous avons constitué une dizaine de groupes de 6 personnes avec un animateur, un time keeper (ou maître du temps) et un scribe. Ils avaient tous trois minutes pour exposer chacun une problématique. Ensuite c’était le vote pour sélectionner 2-3 problèmes à traiter, en les analysant puis la recherche de solutions. J’ai eu beaucoup de remerciements suite à ces interventions auprès des équipes. J’ai même réalisé une animation auprès du Comité de Direction. Suite à cela, nous avons organisé une formation à la résolution de problèmes pour tous les managers.

Nous avons également formé tous nos manageurs à la méthode DISC Insight®. En effet, nous avons besoin de nous connaître en tant que manager, avant même de connaître les couleurs de nos équipes. Sans surprise, une grande partie de nos manageurs sont verts et bleus, d’où une certaine difficulté à innover.

Que recommanderiez-vous à nos lecteurs avec votre recul et votre expérience ? 

Je pense que ce qui me semble essentiel quand on veut mettre en place du Lean : ne pas tout faire d’un coup mais petit pas à petit pas

Et ne pas rester dans la théorie, travailler par l’exemple, l’illustration, l’argument, parler de choses concrètes (comme un gâteau au chocolat pour un Ishikawa ou l’achat d’un pantalon pour un KLPM). Quand vous vous adressez à des directeurs, il est nécessaire d’avoir en tête un ou deux sujets dans leur cœur de métier pour qu’ils puissent s’identifier à la démarche.

Aussi, je recommande de parler avec des mots simples : pour partager et ordonner envie, que cela soit accessible par tous.

Donner du sens et être transparent. Si vous voulez amener quelqu’un vers quelque chose, il faut que la personne sache vers quoi elle est emmenée.

Retrouvez les autres témoignages du livre Lean management en couleurs

Par ordre d'apparition dans les chapitres

Véra Boutinon : Quand les formations passent du Lean technique au Lean Humain
Pascal Oualid : Le lean management en couleurs
Mathias Hivert : Miser sur le digital pour fluidifier votre communication d’équipe
Salvatore Cali : Le Lean bien implémenté, c’est un win/win/win
Mahen Hoolash : Quand le Lean prend de la couleur ou Le Lean, humain avant tout
Anissa MAKHLOUF : Aligner le CODIR avec la matrice Hoshin Kanri 
Laurent Boustiha : Quand les organisations deviennent apprenantes
Hélène Marmelo : Lean RPA, quand les services en redemandent
Michaël Nlandu : Rendre les équipes autonomes
Cédric Derville : Du désengagement managérial à l’Award de la meilleure logistique du marché de la distribution informatique
Anne-Sophie Jolivet : Retour d’expérience : Le Lean chez Tech Data
Sophie Lasserre : Du Lean au Lean green
Fabien Font : Faire coopérer efficacement des acteurs indépendants multiples
Julien Charles : Bien s’engager dans le voyage Lean
Christine Chapus : Progresser ensemble dans un programme collectif
Eric Mellet : La transformation positive des organisations

 

 

[1] Tableau de bord de l’activité d’une équipe

[2] Key Performance Indicateurs (ou Indicateurs clés de performance), qui apparaissent dans les tableaux de Management Visuel

[3] Robotic Process Automation (ou automatisation des processus par la robotique)

[4] Les pratiques agiles mettent en avant la collaboration entre des équipes autoorganisées et pluridisciplinaires et leurs clients. Elles s'appuient sur l'utilisation d'un cadre méthodologique léger mais suffisant centré sur l'humain et la communication. On les rencontre principalement dans le domaine du développement de logiciels

[5] Equivalent Temps Plein

[6] Strenghts, Weaknesses, Opportunities, Threaths ou matrice Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces

[7] Détaillé dans ce chapitre