
Lean management en couleurs : Entretien avec Laurent Boustiha
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Quand les organisations deviennent apprenantes
Laurent BOUSTIHA Formé au Lean, aux États-Unis, dans les années 80, il a mené depuis plus de 20 ans, de nombreux projets en France et en Europe, dans différentes entreprises industrielles et de service en tant que Directeur Lean, Directeur Qualité et de production. Convaincu par l’approche humaine, Laurent est Formateur en Lean management, certifié coach et accompagnement du changement et membre de l’IFCEO (Institut français de l’Excellence Opérationnelle). |
Comment avez-vous découvert l’apprenance ?
Je pratiquais le Lean depuis quelques années déjà, lorsque j’ai découvert les premiers modèles d’organisation apprenante, dans les années 90, au Danemark, lors d’une mission professionnelle. Au même moment, j’ai lu ‘la cinquième discipline’ de Peter SENGE qui fut pour moi un déclic, car l’humain apparaissait de façon précise au cœur des organisations.
La cinquième discipline à laquelle l’auteur fait référence est l’apprentissage en équipe dont Peter SENGE dit « L’apprentissage en équipe est la discipline la plus exigeante intellectuellement, émotionnellement, socialement et spirituellement. »
Le nouvel enjeu fut pour moi d’intégrer cette nouvelle dimension au sein des transformations Lean. La finalité d’un collectif n’est pas seulement de travailler en équipe, de communiquer, d’être compétent. Cela s’accompagne aussi par « apprendre à apprendre à travailler ensemble ».
En effet, si une équipe réussit à apprendre collectivement, elle devient un microcosme de l’apprenance à travers l’organisation. Ainsi l’expérience positive vécue par cette équipe à toutes les chances de se diffuser rapidement au sein de l’organisation toute entière.
Comment avez-vous intégré l’apprenance dans vos démarches Lean ?
Ayant découvert la puissance des démarches de l’apprenance, j’ai intégré dans mes processus de transformation Lean, plusieurs dimensions :
- L’apprentissage du « co »: La loi de la co-responsabilité montre que chacun, quelle que soit sa place, a de l’influence sur le Tout. De même la loi de la co-protection nous indique la force de la chaîne est celle de son élément le plus faible.
- L’intelligence collective. Intégrer le sens individuel et collectif en apprenant ensemble sur un sujet commun dans un cercle d’influence défini. Le résultat collectif est supérieur à la somme des résultats individuels. De ces expériences, j’ai appris qu’il fallait sans doute lâcher sur l’égo pour faire apparaitre le ‘co’...
- L’alliance collective. Cette alliance collective est le préalable à l’intelligence collective. L’état d’esprit du Lean intègre l’expérimentation comme étape pour progresser vers la performance attendue. L’apprenance va poser la question : Que retient-t-on de cette expérimentation ? Qu’avons-nous appris individuellement et collectivement ?
Qu'est-ce qui vous semble le plus dur, dans nos contextes actuels ?
Ce qui est compliqué actuellement, c’est l’urgence des situations et la pression permanente des délais. En effet, le processus d’apprenance dans le Lean nécessite des temps incompressibles pour assimiler et surtout capitaliser pour continuer à grandir. Par ailleurs, l’autre difficulté majeure rencontrée dans les entreprises est de réussir à créer les conditions pour que les équipes soient en situation d’apprendre. Comme l’écrit Philippe Carré, « Les transformations en cours imposent de passer d'une culture du stage de formation, à une écologie de l'apprenance, tout entière tournée vers la démultiplication des occasions d'apprendre. »
Pour cela, il faut que les entreprises se transforment aussi culturellement pour aller dans cette direction et ces transformations prennent du temps.
Votre ou vos plus grandes réussites ?
Il me vient à l’esprit, la création et la mise place au sein de la Société du Grand Paris, d’une communauté constituée de 11 réseaux apprenants. Cette communauté représente 120 personnes, environ 10% de l’entreprise engagée dans cette aventure ! Au-delà de la méthodologie innovante appliquée à la mise en place de ces réseaux, le succès se mesure principalement sur la transformation de collectifs statiques à des collectifs dynamiques qui ont entrepris, expérimentés et appris ensemble.
Au sein de chaque réseau mais aussi pour les 11 autres réseaux, est née une dynamique de partage, de feed-back. La volonté de transmettre a vraiment impulsé une ouverture des uns vers les autres. In fine, cela a sensiblement amélioré la performance de l’ensemble des projets concernés, dans le respect des délais impartis.
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